Interview de Clémence Pont, Chargée d’animation et de coordination du pôle « Alimentation solidaire » à Capée.
Clémence, qui es-tu et quel est ton parcours ?
Je suis une poitevine qui aime sa ville ! À ma majorité, j’ai passé une bonne dizaine d’années à me chercher professionnellement. J’ai accumulé pas mal d’expériences de nature assez différentes. Mon fil d’Ariane a cependant toujours été le même. Il fallait que mon action soit au service des personnes, pour améliorer leur quotidien. Ces dernières années, j’ai accompagné des personnes en situation de précarité sur le territoire de Poitiers. Avant de rejoindre Capée, j’avais la responsabilité d’un centre d’hébergement d’urgence qui accueillait 49 personnes sans abri tous les soirs de l’année.
Le hasard des rencontres m’a permis de m’intéresser aux mouvements d’Education Populaire et d’Education Nouvelle. Me rendre compte que l’Education pouvait être un vecteur de changement sociétal a été une révélation. Ma pratique professionnelle s’est alors affinée vers un accompagnement visant à la production d’une pensée critique, en partant de là où en sont les personnes. Il n’est pas question d’asséner des vérités ou dire aux gens ce qu’ils doivent penser.
La démarche est d’inviter aux questionnements, en se raccrochant au réel et aux vécus des personnes et en redonnant du pouvoir d’agir à des publics qui souvent, pensent ne plus en avoir.
Capée a répondu à l’appel à projet du Plan Alimentaire Territorial et a été retenu pour mettre en lien les acteurs de l’aide alimentaire et faciliter des projets collectifs. Le poste que tu occupes a pu être créé à cette occasion. Peux-tu nous en dire un peu plus sur tes missions ?
Un de mes objectifs est de construire, de fédérer et d’animer un collectif d’acteurs volontaires de l’aide alimentaire. La coopération et les projets mutualisés qui émaneront de ce groupe tenteront de répondre aux difficultés rencontrées sur le territoire Grand Poitiers, Communautés de communes Vallée du Clain et Haut Poitou.
Les échanges émanant de ces rencontres alimenteront un diagnostic plus large qui permettra de mettre en lumière les inégalités d’accès à l’aide alimentaire et les besoins des personnes sur notre territoire.
Ce collectif, ouvert à tous les acteurs de l’aide alimentaire (du producteur au consommateur) permettra aussi d’avoir une meilleure connaissance de ce qui existe sur notre territoire et facilitera les échanges entre tous.
J’ai pour mission d’être en veille sur les opportunités à saisir et les projets en cours sur notre secteur. À ce titre, je devrai être en mesure d’apporter des outils et des pistes aux acteurs de terrain afin qu’ils puissent imaginer et construire des réponses à leurs problématiques.
Pour faire court, mon job est de faire du lien, d’avoir une vision globale du système de l’aide alimentaire sur le territoire pour venir en soutien des initiatives locales.
En quoi ce poste t’intéresse ?
Lorsque j’accompagnais des personnes qui étaient en demande d’aide alimentaire, j’étais confrontée à l’hétérogénéité de mode de fonctionnement des différentes structures de distribution. C’était difficile d’avoir une lecture claire de l’existant, ce qui rendait encore plus compliqué l’accès à l’aide alimentaire pour un public qui est souvent en difficulté pour en faire la demande. Aussi, faute de coordination, j’avais remarqué que chacun œuvrait un peu dans son coin sans réelle coopération alors que la demande du public ne faisait qu’augmenter (encore plus en temps de Covid d’ailleurs). J’avoue qu’arriver sur une création de poste m’a aussi beaucoup motivé. C’est un défi que j’avais grandement envie de relever.
Ta mission est pleine de challenges. D’après toi, quels sont tes principaux atouts pour les relever ?
C’est toujours délicat de parler de ses atouts sans paraitre prétentieux (rires) ! Après plusieurs années à exercer sur ce territoire, ma connaissance du réseau va forcément me faciliter la tâche. J’ai déjà une idée générale de « qui fait quoi » et des liens entre chacun. Je pense aussi qu’avoir été sur le terrain va m’être profitable.
Je sais de quoi on parle, qui sont les gens qui demandent de l’aide alimentaire, les motifs de leurs demandes, les difficultés qu’ils rencontrent.
Pendant le premier confinement, j’ai été missionnée pour approvisionner en nourriture les différents lieux d’hébergement d’urgence de la Croix Rouge à Poitiers où étaient confinées environ 200 personnes. Il a fallu chercher des volontaires pour aller ramasser des denrées, compter, redistribuer, trouver des camions et du matériel pour le transport… Cette mission exceptionnelle en temps de crise m’a permis de travailler avec divers acteurs de l’aide alimentaire. Des liens forts se sont tissés en cette période particulière.
Depuis quand es-tu sensibilisée aux enjeux de l’alimentation solidaire ?
Disons que je suis surtout sensibilisée aux enjeux de la solidarité tout court ! J’essaye donc de faire en sorte qu’elle s’applique au maximum dans tous les aspects de ma vie. Pour la partie alimentation, vu les quantités de nourritures produites, je n’arrive toujours pas à comprendre comment certaines personnes n’ont pas accès à des denrées. Et encore, je ne parle même pas de denrées de qualité, ça c’est une autre histoire ! Et j’espère bien pouvoir aider sur ce point.
À travers tes différentes expériences professionnelles, on remarque que tu t’es toujours investie dans des structures ou des projets qui défendent de belles valeurs humaines et apportent des solutions aux enjeux sociétaux. En quoi est-ce important pour toi ?
Dans le contexte actuel et vu l’avenir qui nous est proposé, je crois sincèrement que la solidarité est la meilleure arme que nous ayons. C’est même d’après moi une condition absolue au développement. On ne peut plus faire tout seul de son côté sans que cela n’ait d’impact sur la vie des autres.
Il faut penser collectivement, favoriser le vivre ensemble, envisager l’autre, le reconnaitre et s’enrichir des différences de chacun. Mon engagement professionnel est ma contribution pour aller vers une société plus juste, plus égalitaire, plus solidaire.
En dehors de ta vie professionnelle, es-tu impliquée dans d’autres projets de solidarité ou de bénévolat ?
Je suis militante aux CEMEA Nouvelle Aquitaine depuis plus de 10 ans. J’interviens bénévolement en tant que relectrice pour les stagiaires en formations BPJEPS et DEJEPS mais je peux aussi être membre de jury sur diverses certifications ou bien intervenir pour leur apporter du contenu lorsqu’ils sont en semaine de formation.
Depuis peu, j’anime un groupe de réflexion de pratiques professionnelles auprès d’étudiants, futurs éducateurs spécialisés.
J’ai également rejoint l’équipe de Caso Togo, association humanitaire qui a pour objectif de soutenir les habitants les plus vulnérables du Togo en tentant d’améliorer leurs conditions de vie. Par exemple, l’association a pu permettre l’ouverture d’un centre de formation en couture, d’une bibliothèque, des salles de classes, d’un centre informatique, de latrines… En plus des projets réalisés sur place, nous récoltons tout au long de l’année du matériel qui est remis aux populations togolaises lors des multiples voyages prévus annuellement. Un container plein de dons de collectivités et de particuliers est d’ailleurs parti le mois dernier. Un conventionnement avec l’IRTS Poitou Charentes nous permet également de proposer aux étudiants des stages au Togo dans le cadre de leur formation. C’est une belle aventure humaine !
Si vous souhaitez contacter Clémence Pont : c.pont@capee.fr
Le « fast & curious » de Clémence
• MATIN OU SOIR ?
Matin, définitivement ! J’aime me mettre au travail tôt
• PRÉSENTIEL OU VISIO ?
Présentiel au moins pour les échanges informels au moment du café où l’on en apprend parfois plus que sur la réunion en elle-même (rires)
• TERRAIN OU BUREAU ?
L’un ne va pas sans l’autre… Mais plutôt terrain dans le cadre de mes nouvelles missions. Pour fédérer il faut être visible et donc là où les actions se déroulent
• PROJET D’ÉQUIPE OU MISSION SOLO ?
Projet en équipe ! « Seul on avance vite mais ensemble on va plus loin »
• PRÉPARER OU IMPROVISER ?
Il faut avoir pensé un cadre clair pour permettre l’improvisation à l’intérieur de celui-ci. Préparer sans aucune hésitation !
• LES PIEDS SUR TERRE OU LA TÊTE DANS LES ÉTOILES ?
Les pieds bien sur terre
• UTOPISTE OU RÉALISTE ?
Réalistiquement utopiste. Il est nécessaire de prendre en compte nos réalités dans la réflexion de nos projets
• MAIN SUR LE COEUR OU MAIN DANS LA MAIN ?
Les deux… On a deux mains, non ? (rires)
• CULTIVER SON POTAGER OU ALLER AU MARCHÉ ?
Aller au marché pour soutenir nos producteurs locaux
• LES BORDS DU CLAIN OU LE CENTRE-VILLE DE POITIERS ?
Quelques achats au marché du centre-ville avant d’aller déguster à l’ilot Tison
• BROYÉ DU POITOU OU MACARON DE MONTMORILLON ?
Broyé du Poitou, chauvin un jour, chauvin toujours !